Le 24 février 2024 s’est achevée la première Commission délibérative au Parlement de Wallonie. Depuis octobre 2023, 10 députés et 30 citoyens tirés au sort ont planché sur l’épineux sujet de la crise démocratique. Leurs propositions, publiées en mars 2024, pourraient bien constituer une petite révolution.
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- Délibération hybride
Commission délibérative : le parlement wallon innove face à la crise démocratique
Le dernier baromètre de l’Iweps annonçait un sombre tableau : une chute de 30% de la confiance des citoyens wallons vis-à-vis des institutions. Le signal envoyé au coup d’envoi de la première Commission délibérative wallonne est pourtant à l’exact opposé : plus de 12% des citoyens sollicités pour participer ont répondu favorablement. C’est plus que l’écrasante majorité des autres initiatives. La Convention citoyenne pour le climat en France atteignait par exemple péniblement les 4%.
L’exception wallonne ne s’arrête pas là. Une fois entrés dans le processus, seulement un citoyen a quitté l’aventure. Une implication remarquable au regard de l’investissement attendu. “En tant que politologue qui d’habitude étudie le désintérêt et le conflit, je vois en repartant d’ici qu’il y a encore des preuves du contraire, des preuves d’intérêt des citoyens et de recherche du consensus” témoignait ainsi l’universitaire Christoph Niessen lors de son audition par les participants de la Commission délibérative. Si les citoyens sont effectivement désabusés politiquement, ils n’en désirent pas moins être mieux associés. D’après l’étude “Les Belges haussent leur voix” plus de deux citoyens sur trois se disent favorables à des réformes pour mieux impliquer la population dans les décisions
Une bouffée d’air frais face au désenchantement politique
La participation citoyenne est un outil précieux face à la polarisation des opinions et l’érosion de la légitimité des représentants. C’est cependant un outil à double tranchant. En mai dernier, Le Soir titrait “Participation citoyenne en Belgique : un rapport accablant”. Des experts tiraient en effet la sonnette d’alarme : les recommandations produites par les citoyens sont peu ou pas considérées par les élus. Résultat : la participation produit, à l’inverse de l’effet escompté, toujours plus de citoyens déçus.
Pour tirer profit du potentiel de la démocratie participative sans tomber dans ses travers, une piste consiste à renforcer le lien entre la participation et les institutions politiques. La Belgique a été pionnière en la matière avec deux modèles remarqués à l’international, chacun avec une stratégie différente : d’un côté les Commissions délibératives en région bruxelloise invitent les élus à co-construire avec les citoyens, facilitant l’appropriation des recommandations produites et in fine leur mise en application. De l’autre, la communauté germanophone à mis en place un conseil citoyen permanent qui permet un suivi des recommandations sur le temps long.
Une innovation démocratique majeure
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Alors que la Chambre des représentants adoptait en janvier 2024 la possibilité d’organiser des Commissions délibératives, l’écrivain David Van Reybrouck, impliqué sur ces sujets, commentait : “des panels ponctuels, c’est bien, mais un conseil citoyen permanent, comme en Communauté germanophone, c’est encore mieux.” On en rêvait, la Commission délibérative wallonne l’a fait ! Les participants wallons proposent ainsi un conseil permanent inspiré du modèle germanophone, mais mixte à la sauce bruxelloise, réunissant des élus et des citoyens.
Cette première recommandation est accompagnée d’une trentaine de propositions qui apportent des réponses fortes aux défis de la participation. On retrouve notamment l’abaissement du seuil de signatures pour faciliter le déclenchement des Consultations populaires. Celles-ci sont un outil performant pour impliquer largement la population mais pratiquement inutilisé à cause de conditions de déclenchement dissuasives. Les participants wallons proposent aussi de permettre un vote gradué ou “préférendum” lors des Consultations Populaires, apportant plus de nuances qu’un simple oui/non. Enfin, cette Commission délibérative invite à considérer l’ouverture du référendum au niveau régional, avec une volonté de susciter le débat sur ce sujet, malgré son inconstitutionnalité.
Et après ?
Si les recommandations produites par cette Commission délibérative n’ont pas directement valeur de loi, la qualité d’implication des députés aux côtés des citoyens laisse espérer une suite heureuse. “Sachez que, où que nous soyons après ces élections, nous serons les gardiens des recommandations que nous venons tous ici d’approuver” concluait la présidente de la Commission délibérative Marie-Martine Schyns, lors de la dernière séance.
Si elles sont adoptées, ces recommandations ambitieuses permettraient au Parlement wallon de se positionner au centre d’une nouvelle vague d’innovations démocratiques, réconciliant efficacement citoyens et représentants.
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