L’Europe peut-elle être un catalyseur de l’innovation démocratique?
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L’Europe peut-elle être un catalyseur de l’innovation démocratique?

11 Déc 2024

L’UE pourrait tirer profit des idées intelligentes qui sous-tendent ses nombreux projets locaux réussis, puis les adapter pour en faire bénéficier d’autres États membres.

L’amélioration de la démocratie européenne figure en bonne place à l’ordre du jour de la prochaine Conférence sur l’avenir de l’Europe, une consultation de deux ans proposée par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Les réformes radicales nécessaires à l’amélioration de la démocratie européenne seront-elles vraiment sur la table, compte tenu de la vigueur de ceux qui les attaquent ?

Lorsque l’on débat de la réforme démocratique en Europe, il est important de garder à l’esprit trois critères de réussite. Premièrement, les processus de prise de décision publique doivent répondre aux défis de la société de manière plus efficace et plus inclusive. Deuxièmement, les institutions démocratiques doivent être repensées pour encourager l’innovation politique. Enfin, toute nouvelle mesure, expérience, politique ou règle dont l’efficacité a été démontrée doit rapidement traverser le système politique et être mise en pratique.

À l’heure actuelle, ce n’est pas souvent le cas. En effet, le système institutionnel de l’UE agit plus souvent comme un obstacle à la diffusion des bonnes idées que comme un catalyseur de l’innovation politique. En revanche, de nombreuses approches ont eu un impact au niveau local en Europe : par exemple, des initiatives telles que la plateforme numérique grecque SynAthina pour les initiatives citoyennes ; le projet finlandais Kokeilun Paikka (« lieu d’expérimentation »), qui offre un financement pour les idées de résolution de problèmes ; le programme d’emploi Territoires Zéro Chômeurs de Longue Durée en France ; et le « What Works Network » britannique, qui vise à améliorer les services publics. Mais ces initiatives n’ont pas été reprises et adaptées plus loin.

Trop de solutions locales ne sont pas répercutées dans le système européen. L’inefficacité de l’État à grande échelle coexiste souvent avec des poches d’innovation citoyenne éclairée. Il existe de nombreuses expériences individuelles utiles en matière de participation, mais les politiques ne parviennent toujours pas à recueillir et à utiliser les idées intelligentes de l’ensemble de la population.

Les options de réforme actuellement débattues au sein de l’UE s’articulent autour de changements institutionnels plutôt formalistes. Elles n’ont pas grand-chose à voir avec l’exploitation de l’esprit d’intelligence collective.

Par exemple, l’UE s’est récemment engagée à étendre la subsidiarité : l’idée que les décisions politiques doivent être prises au niveau local, plutôt que par une autorité centrale. Ce principe est présenté comme un moyen d’approfondir la démocratie. Mais l’UE conçoit la subsidiarité de manière trop rigide, en se concentrant sur la délégation des pouvoirs de décision en aval de la chaîne. Le principe de subsidiarité est trop souvent un moyen de justifier l’existence de l’UE, en lui donnant simplement la permission d’agir là où d’autres niveaux ont plutôt accepté passivement son rôle principal.

Au contraire, l’Europe a besoin d’une forme fluide de subsidiarité dans laquelle tous les niveaux de gouvernance travaillent ensemble. Elle doit mieux s’appuyer sur les différentes expériences locales, régionales et nationales et réagir plus rapidement aux innovations de la base pour les aider à se répandre dans l’ensemble du système.

Et si, par exemple, l’idée derrière l’expérience française de Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée, qui réoriente les fonds publics destinés à lutter contre le chômage de longue durée pour financer de nouveaux emplois, avait été repérée par les fonctionnaires de l’UE, encouragée et légalement autorisée plus tôt ? Et si les leçons tirées de cette expérience pouvaient profiter à tous les États membres et inspirer la législation européenne en la matière ? Et si l’approche réussie de l’intégration des fondamentalistes musulmans dans la ville de Grimhojvej près d’Aarhus au Danemark n’était pas une expérience isolée, mais faisait partie d’un ensemble systématique d’initiatives encouragées au niveau de l’UE ? L’UE doit réfléchir plus sérieusement à la manière de tirer parti de ce type de connaissances et de mettre en œuvre des solutions à grande échelle.

L’UE pourrait ainsi abandonner l’idée que la gouvernance à multiniveaux implique de confier le pouvoir de décision aux échelons inférieurs. Au contraire, elle devrait faire circuler le pouvoir et les responsabilités de haut en bas afin de favoriser l’émergence de nouvelles idées pour des politiques utiles. Cela aiderait tous les niveaux de gouvernement à donner la priorité à la participation démocratique, à la créativité et à l’innovation.

L’élan vers la démocratie qui est à l’ordre du jour politique doit être abordé dans un esprit nouveau. Quelques ajustements formels et institutionnels ne suffiront pas. L’UE a besoin d’un système auquel un plus grand nombre de personnes peuvent participer activement. Elle doit tirer parti de la complexité sociétale de l’Europe, qui peut être la source d’idées collectives diverses.

Pour y parvenir, l’UE devrait s’efforcer de donner à toutes les parties prenantes, aux citoyens, aux entreprises, à la société civile et aux autorités locales, régionales et nationales la possibilité de proposer des solutions aux problèmes sociaux. Cela pourrait se faire par le biais d’un système révisé de représentation des groupes d’intérêt, de processus permanents de co-législation citoyenne et d’un rôle accru de la science dans l’élaboration des politiques. Cela renforcerait la capacité des États membres à s’attaquer efficacement aux questions épineuses à long terme.

L’Union européenne doit réinventer la gouvernance démocratique pour relever les défis d’un monde polycentrique, complexe et risqué grâce à l’intelligence collective. La prochaine conférence sur l’avenir de l’Europe est l’occasion de le faire et il ne faut pas la laisser passer.

Auteur : Stephen Boucher

Publié à l’origine par Carnegie Europe

 

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