Recommandations de la première Commission délibérative wallonne
  • Délibération hybride

Recommandations de la première Commission délibérative wallonne

11 Déc 2024
Lire Tout savoir sur la première Commission délibérative au Parlement de Wallonie

La première Commission délibérative wallonne a réuni 10 députés et 30 citoyens tirés entre octobre 2023 et février 2024 pour traiter le sujet suivant : 

“Comment impliquer les Wallonnes et les Wallons dans la prise de décision de manière permanente, en s’inspirant notamment du dialogue citoyen permanent existant en communauté germanophone qui procède par tirage au sort ?”

Après 5 séances d’échanges les participants ont élaboré et voté une trentaine de recommandations regroupés en 4 grands axes : 

  1. Concernant le dialogue citoyen permanent
  2. Concernant les Commissions délibératives
  3. Concernant l’ensemble des processus de participation citoyenne
  4. Concernant les consultations populaires
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1. Concernant le dialogue citoyen permanent

Considérant que : 

  • le caractère permanent du conseil citoyen mis en place en communauté germanophone permet de renforcer la place de la participation citoyenne et d’assurer un meilleur suivi des recommandations ;
  • le suivi des recommandations citoyennes est un défi majeur de la participation, la non prise en compte des recommandations citoyennes contribuant à dégrader la confiance entre la population et ses représentants ;
  • le travail conjoint entre élus et citoyens est bénéfique pour aboutir à des recommandations pertinentes et favoriser leur appropriation par les élus, et que l’absence totale d’élus au sein de ce conseil citoyen en communauté germanophone est jugée négativement ;
  • l’appropriation par les élus est favorisée par une posture d’ouverture à des idées et réflexions allant au-delà des positions et des intérêts de leurs partis politiques ;
  • le fait que les assemblées citoyennes en communauté germanophone se tiennent sans élu offre plus d’espace d’expression et de liberté aux citoyens ;
  • le caractère permanent peut décourager certains participants en raison de la trop grande implication requise et qu’il faut donc un soin particulier pour impliquer les participants sur la durée.

La Commission délibérative recommande de :

1.1. Mettre en place un dialogue citoyen permanent au niveau régional s’inspirant du dialogue citoyen permanent existant en communauté germanophone, constitué d’un conseil mixte permanent, d’assemblées citoyennes et d’assemblées mixtes, selon les modalités suivantes :

  1. Le Conseil mixte permanent
  • le conseil mixte permanent se compose de 30 citoyens tirés au sort ayant participé aux assemblées citoyennes ou mixtes et de 10 députés selon des critères assurant la représentativité de la population wallonne sur base des meilleures pratiques existantes et au minimum le genre, l’âge, la répartition géographique et le niveau de formation, en ce compris les catégories socioprofessionnelles ;
  • les citoyens et députés membres du conseil mixte permanent siègent pour une durée d’un an. Le conseil mixte permanent est renouvelé partiellement tous les 6 mois ;
  • le conseil mixte permanent priorise les sujets à traiter sur base d’outils existants ou à créer, notamment une plate- forme numérique recueillant l’opinion des citoyens. La récolte des sujets se fait de manière inclusive, notamment auprès des jeunes. Les propositions sont réfléchies par des experts techniques et du vécu. Ensuite, les citoyens peuvent soutenir les propositions ;
  • le conseil mixte permanent détermine le nombre de participants aux assemblées citoyennes en fonction des sujets traités ; 
  • le conseil mixte permanent sélectionne les experts techniques afin d’apporter un éclairage aux assemblées citoyennes ou mixte ;
  • dans le cas d’une assemblée citoyenne, le Conseil mixte détermine un ou plusieurs moments d’échanges avec les parlementaires avant la finalisation des recommandations ; 
  • il décide de convoquer une assemblée citoyenne ou une assemblée mixte, en fonction du sujet retenu ;
  • il organise les travaux des assemblées, citoyennes et mixtes, et assure le suivi des recommandations ;
  • dans ce cadre, il peut proposer de soumettre les recommandations formulées par ces assemblées à consultation populaire régionale ;
  • le Conseil mixte permanent mentionne les sujets abordés ainsi que les modalités pratiques pour inviter les citoyens tirés au sort ;
  • le Conseil mixte permanent peut être saisi d’une initiative citoyenne ou parlementaire ;
  1. Les assemblées citoyennes
  • les assemblées citoyennes sont composées de 50 à 75 citoyens tirés au sort selon des critères assurant la représentativité de la population wallonne sur base des meilleures pratiques existantes et au minimum le genre, l’âge, la répartition géographique et le niveau de formation et les catégories socioprofessionnelles ;
  • elles sont constituées pour une thématique sur décision du Conseil mixte permanent ;
  • les assemblées citoyennes délibèrent sur les sujets qui leurs sont confiés par le Conseil mixte permanent ;
  • le conseil mixte prévoit d’organiser, en fonction de l’avancée des travaux des assemblées citoyennes, un ou plusieurs échanges avec les parlementaires.
  1. Les Assemblées mixtes (Commission délibérative actuelle – article 130bis du Règlement du Parlement)
  • les Assemblées mixtes sont composées de 10 députés et 30 citoyens tirés au sort selon des critères assurant la représentativité de la population wallonne sur base des meilleures pratiques existantes et au minimum le genre, l’âge, la répartition géographique et le niveau de formation et les catégories socioprofessionnelles ;
  • elles sont constituées suite à une initiative parlementaire, citoyenne ou du Conseil mixte permanent ;
  • l’assemblée citoyenne mixte délibère sur les sujets qui lui sont confiés par le Conseil mixte permanent, par les députés ou par les citoyens ;
  • les recommandations 2.1, 2.3, 2.4, 2.7, 2.8 et 2.9 s’appliquent à la formation et aux travaux des assemblées mixtes ;

1.2. Régir le fonctionnement de ces organes par un règlement intérieur clair inspiré du règlement du Parlement relatif aux commissions parlementaires ;

1.3. Favoriser la transparence sur le processus en mettant en place à l’initiative du Bureau du Parlement une plateforme numérique permettant l’accès aux documents et aux dossiers en vue d’informer les membres des organes sur le sujet traité ;

1.4. Assurer un monitorage permanent de l’ensemble du dispositif afin de garantir une amélioration continue de l’organisation de ces organes et de leurs travaux, en ce compris leur règlement d’ordre intérieur. Aussi, réaliser une évaluation globale du dispositif après trois ans ;

1.5. En matière de Budget que : 

  • Un budget fixe annuel soit déterminé et arrêté par le Parlement ;
  • Le Conseil mixte permanent affecte ce budget en toute indépendance ;
  • Le budget soit sujet à réévaluation en fonction des évaluations visées au point 1.4 ;

1.6. Assurer le suivi des recommandations à travers trois réunions au minimum avec les membres de l’assemblée citoyenne, des représentants du conseil mixte permanent, des parlementaires de la commission parlementaire concernée ainsi que le ou les membre(s) compétent(s) du Gouvernement (ministres). L’objet de ces réunions vise respectivement :

  • la présentation des recommandations par les membres de l’assemblée citoyenne ou mixte; 
  • l’avis des parlementaires sur lesdites recommandations ;
  • le suivi de ces recommandations avec justification en cas de non suivi.

Si certaines recommandations sont partiellement ou pas reprises par les parlementaires, pour des raisons que le Conseil mixte permanent juge pertinentes, il peut formuler des propositions alternatives pour faciliter la prise en compte de ces recommandations ;

2. Concernant les Commissions délibératives

Considérant que :

  • la participation continue des mêmes citoyens et députés au fil des séances favorise une réflexion de qualité ;
  • les députés étant plus à l’aise dans la prise de parole que les citoyens tirés au sort, ils peuvent dominer malgré eux les discussions si aucune mesure n’est prise ;
  • quelle que soit la qualité des travaux d’une Commission délibérative, l’impact peut être limité s’ils ne sont pas connus du reste de la population.

La Commission délibérative recommande :

2.1. De favoriser la formation des citoyens non élus préalablement à la première réunion, notamment sur le fonctionnement de celles-ci, mais aussi sur la thématique traitée, au-delà des temps d’information déjà prévus dans la forme actuelle ;

2.2. De garantir une participation optimale des citoyens et des députés dans le temps, notamment en les informant au mieux de ce qu’exige leur participation en termes de temps et travail requis en début de processus ;

2.3. De permettre aux citoyens d’être remplacés par leur suppléant en cours de processus, à l’instar des députés.

2.4. De permettre la participation à distance des membres à l’aide d’outils informatiques, en cas de force majeure ;

2.5. Que les Députés effectifs et suppléants de la Commission délibérative soient, de préférence, les membres effectifs et suppléants de la commission parlementaire qui est compétente pour le sujet traité par ladite Commission délibérative ;

2.6. De garantir une égalité de parole entre députés et citoyens en fixant un temps de parole pour les députés et par la signature éventuelle d’une charte d’engagement élaborée en début de processus ;

2.7. De publier une synthèse des débats de chaque réunion de la commission délibérative, notamment en vue d’assurer l’information des suppléants ; 

2.8.  De dédier une page au suivi des recommandations sur le site web du Parlement, permettant de visualiser leur état d’avancement, avec une communication spécifique annuelle sur le suivi de celles-ci et communiquer les résultats des commissions délibératives sur tous les canaux mobilisables du parlement ;

2.9. De permettre aux membres de fixer le calendrier des travaux de la Commission délibérative.

2.10. Que l’intervention des experts soit validée par les instances compétentes du Parlement, sur proposition éventuelle de la Commission délibérative.

3. Concernant l’ensemble des processus de participation citoyenne

Considérant que :

  • les liens de proximité entre les citoyens et leurs représentants tendent à diminuer ;
  • les sujets mis à l’agenda du débat public et des dispositifs de participation citoyenne sont le plus souvent décidés sans consultation des citoyens quant à leurs sujets d’intérêt propres ;
  • l’avis des experts peut influencer les recommandations formulées par les participants ;
  • les dispositifs impliquant les Wallons et les Wallonnes dans la prise de décision doivent pouvoir être accessibles à la population dans sa diversité ;
  • la fracture numérique ne doit pas empêcher certains citoyens de participer à la prise de décision publique ;
  • mieux communiquer en amont permet de renforcer la diversité des citoyens volontaires pour participer ;
  • mieux communiquer pendant et après permet d’informer et de mobiliser la population au-delà des quelques participants impliqués ;
  • il est important pour les citoyens qu’ils puissent être informés du suivi qui est réservé à leur recommandations ou leur remarques. Une majorité des dispositifs de participation existant en Wallonie prévoit peu ou pas de mécanismes de suivi des recommandations. Un suivi transparent et la bonne prise en compte des recommandations peuvent encourager les participants et renforcer leur confiance ;
  • les budgets alloués à la participation citoyenne doivent permettre de rencontrer les objectifs de celles-ci. Pour que les dispositifs participatifs soient réussis, il est nécessaire de pouvoir identifier en priorité les sujets qui importent le plus aux citoyens et allouer à ces dispositifs des moyens suffisants. La multiplication des dispositifs participatifs peut être souhaitable mais impose de gérer au mieux le coût financier et humain que cela génère. Au-delà des montants attribués, il est nécessaire d’assurer une gestion optimale des budgets.

La Commission délibérative recommande de : 

3.1. Mettre en place une récolte inclusive des sujets qui importent aux citoyens, par différents canaux, impliquant des experts techniques et du vécu, y compris possiblement les plus jeunes, et selon différentes méthodes à identifier ; 

3.2. Veiller à garantir la transparence quant au choix des experts dans les dispositifs participatifs afin de veiller à la diversité des avis pour éclairer au mieux la décision. Permettre aux participants de proposer des experts et les associer à leur ; 

3.3. Recourir autant que possible au tirage au sort pour sélectionner les membres des processus participatifs lorsque ceux-ci impliquent le recours à un « mini-public » ayant vocation à être aussi représentatif que possible de la population d’un territoire donné, en ce compris en termes socioprofessionnels, selon les mêmes modalités que pour les Com- missions délibérative ;

3.4. Lever les freins à la participation à travers notamment : la possibilité de garde d’enfants, la possibilité de suivre les travaux en distanciel en cas de force majeure, le défraiement des déplacements, une indemnité de participation suffisante, et autres facilités. Utiliser des courriers d’invitation informant de manière plus complète et incitant la curiosité. Envisager de rendre obligatoire la participation à une 1ère séance d’information avant le processus participatif de façon à ce que le citoyen puisse faire un choix éclairé quant à sa participation. Réfléchir également avec l’Autorité fédérale aux possibilités de mettre en place un congé démocratique  ;

3.5.  Faciliter la participation des personnes éloignées du numérique en veillant à ne pas mener de consultation uniquement en ligne, et assurer au contraire des modalités de contribuer par d’autres moyens;

3.6. Assurer une communication multicanale autour des processus participatifs en tenant compte de la fracture numérique, en encourageant les services publics (en ce compris les médias communautaires et locaux) à mieux couvrir les dispositifs participatifs citoyens. Considérer la possibilité d’étendre l’obligation de diffusion des débats parlementaires par les chaînes publiques aux processus des assemblées mixtes ou citoyennes) ;

3.7. Rendre obligatoire la motivation et la justification vérifiable du rejet ou de l’acceptation des recommandations des citoyens par les élus ;

3.7.bis. Mettre en place un processus de suivi de la mise en oeuvre des recommandations, dans lequel les participants sont impliqués sous forme pédagogique, tout en assurant la publicité la plus large possible, y compris le cas échéant des réunions en personne ;

3.8. Garantir une bonne gestion des dispositifs participatifs, avec des moyens financiers suffisants, en veillant au coût global des processus de participation. Veiller pour cela à prioriser de manière claire les recommandations et les opportunités de consultation dans un souci d’efficacité. Utiliser les outils existants, y compris les outils numériques, telles qu’applications et plateformes dites de « civic tech » pour informer et consulter largement, sans pour autant se limiter à ce type d’outils afin d’éviter la fracture numérique ;

3.9. Renforcer les formations à la citoyenneté dans l’enseignement, en collaboration avec la Fédération Wallonie- Bruxelles, notamment en étudiant les manières de renforcer la démocratie scolaire (conseils de classe, conseils d’élèves, délégués et faire le lien avec nos structures politiques).

4. Concernant les consultations populaires

Considérant que :

  • le nombre de signature requis est pour le moment très élevé, ce qui rend difficile en pratique le déclenchement de consultations populaires par les citoyens ;
  • certains sujets sensibles risquent de ne pas produire de bonnes décisions collectives s’ils sont soumis à l’avis direct de la population ;
  • la formulation d’une question soumise à consultation populaire peut influencer le résultat et que le choix de qui formule la question est donc important ;
  • répondre uniquement par oui ou par non ne permet pas de récolter correctement l’avis de la population pour tous les types de sujets. Une réponse plus nuancée serait pertinente pour des questions se prêtant mal à des réponses binaires ;
  • il est important que la question posée à la population soit formulée dans des termes et dans un langage accessible à tous et à toutes ;
  • il est important que la population soit correctement informée sur la question traitée pour que le choix exprimé soit éclairé et réfléchi ;
  • pour garantir un taux de participation suffisant, la population doit être bien mise au courant lorsqu’une consultation populaire est organisée. Un faible taux de participation peut affaiblir la légitimité d’une consultation populaire ;
  • si les citoyens s’impliquent dans une consultation populaire et que le résultat du vote n’est pas pris en compte, le sentiment de frustration et de défiance de la population vis-à-vis de la politique risque d’encore grandir.

La Commission délibérative recommande :

4.1. De favoriser les consultations populaires régionales, notamment sous la houlette du Conseil mixte permanent, et mener une réflexion sur le nombre de signatures citoyennes requis et le pourcentage exigé dans les circonscriptions électorales wallonnes afin de trouver la juste mesure pour que ce dispositif soit utilisé plus fréquemment ; 

4.2. D’ouvrir la possibilité à ce que des consultations populaires régionales permettent aux participants de répondre de façon graduée (par exemple sur une échelle de 1 à 6). Soumettre au Conseil mixte permanent visé au point 1.1.a., accompagné d’experts, les sujets soumis à consultation populaire, afin qu’il puisse définir le mode de réponse retenu (oui/non ou échelle) ainsi que la formulation des questions validées in fine par la Cour constitutionnelle ; 

4.3. De fournir une information vulgarisée avec une présentation équilibrée des arguments à la population. Ce matériel d’information pourrait être élaboré par une assemblée citoyenne ou une assemblée mixte décrites au point 1.1. Les réflexions de l’assemblée saisie pour délibérer d’un sujet donné et relatives à chaque proposition seraient en effet présentées à la population comme matériel d’information ; 

4.4. D’évaluer la possibilité et la pertinence d’une modification de la Constitution afin de permettre, le cas échéant, un effet contraignant des consultations populaires ;

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